La Video de l’action contre le Castor de 2010 près de Kassel.
Video d’action escalade contre un train de déchets nucléaires à destination de Gorleben en novembre 2010. Deux activistes (dont l’écureuille) sont descendu-e-s en rappel au dessus de la voie ferrée depuis un pont TGV haut de 75 mètres près de Kassel (Allemagne, Hesse). Le train a fait en raison de l’action aérienne et d’une partie de cache cache au sol avec la police non loin de là, une pause forcée d’environ 2h45.
Je fais ici un lien vers la vidéo et publie un compte rendu de l’action parru une première fois sur le site d’ARTE à l’occasion de la sortie du documentaire « Les insurgé de la terre »..
La vidéo a été faite à l’aide d’images tournée par la police. Ces rushes ont été versées au dossier contre les grimpeurs-euses. Ils sont poursuivis pour intrusion sur la voie ferrée et encourent une amande (affaire que relèverait en France du tribunal de police) Update: les affaires ont ée classées après plusieurs années de procédure.
Le compte rendu de l’écureuille, publié la première fois sur le site d’Arte:
Site de l’action : le pont de la Fulda, 75 mètres de haut
Dans la nuit du 6 au 7 novembre 2010, des militants du groupe « Brückentechnologie » (« Technologie des ponts », en allusion au discours de la droite allemande qui utilise ce terme pour parler du nucléaire comme technologie de transition) manifestent de façon spectaculaire près de Cassel, suspendus à un pont de 75 mètres de haut qui enjambe la vallée de la Fulda, pour protester contre le convoi Castor et la politique nucléaire. Parallèlement, une bonne cinquantaine de manifestants occupent la voie ferrée. Le convoi a été stoppé pendant trois heures. J’étais l’une de ces artistes accrochés aux cordes…
« Est-ce qu’on y arrivera ? Sommes-nous déjà repérés ? » La nuit est tombée, mais sur les visages on devine une certaine anxiété. C’est la nuit. La nuit du Castor. Le temps est comme suspendu, l’ambiance est irréelle, dans la forêt, c’est le silence absolu. Encore. A chaque fois qu’une branche craque, les militants sursautent. Ils sont isolés, même le réseau téléphonique est mort : « Appels d’urgence seulement ». Pourtant, la réception devrait être bonne. Les militants n’en sont pas à leur première opération – ils restent calmes, aucun ne perds ses moyens. Les trains à grande vitesse de la ligne ICE, qui passent à quelques centaines de mètres sur le pont, leur permettent de ne pas perdre la notion du temps. Quand deux hélicoptères de la police chassent des manifestants sur les talus et dans les bois, le cœur bat la chamade – heureusement, le sol de la forêt est escarpé, la visibilité mauvaise.
Sans contact avec le monde extérieur, les activistes font appel à leur expérience et à leur intuition. C’est parti. Ils se dirigent vers le pont de la voie ferrée où roulent les ICE, ancrent soigneusement leurs cordes. Deux personnes descendent lentement en rappel dans la nuit et disparaissent dans un profond trou noir. Le faisceau lumineux de leur lampe n’arrive pas jusqu’au sol. Pourtant, ils savent que le Castor passera sous eux, 75 mètres plus bas. Au loin, les phares d’une voiture de police. Les militants ont choisi un important croisement de voies ferrées. On se croirait dans un film, pourtant c’est la réalité. Ils ont préparé leur action avec tout le soin possible, mais il n’y a pas eu de répétition générale en situation. Et jamais encore il n’y eut d’opération d’une envergure comparable. Quand il s’agit de protester, l’imagination ne connaît pas de limites…
Il y a longtemps qu’on n’a pas vu l’hélicoptère. « Le Castor serait-il déjà passé ? ». Comme par enchantement, le réseau téléphonique remarche : le convoi est arrêté à Bebra (à 45 km au sud de Cassel). On est dans les temps !
Vers 3h15 du matin, c’est parti. Les deux activistes encordés déploient à huit mètres de haut une banderole avec un message clair, « Halte au Castor » sur fond de soleil antinucléaire descendant en rappel. Ils sont maintenant à la hauteur de la voiture de police garé en face, sur le pont routier. Ils ne sont découverts qu’à la lueur de tubes fluorescents qu’ils jettent sur la voie. Les policiers sautent de leur véhicule et regardent, ébahis, les militants suspendus dans le vide. « Mais d’où sortent-ils ? »
Une véritable armée de policiers se met en marche – et a fort à faire. La nouvelle tombe : une cinquantaine d’activiste jouent au chat et à la souris entre les talus et la voie ferrée où le convoi doit passer. La presse est informée. « Par cette opération de désobéissance civile, les militants protestent contre le site d’enfouissement prévu à Gorleben, et contre la poursuite du nucléaire. La seule option acceptable est l’arrêt immédiat de toutes les installations nucléaires dans le monde ». L’inventivité des manifestants met en échec tout un appareil policier. Les deux funambules mènent l’État nucléaire et policer par le bout du nez.
Sur la voie, les manifestants sont repoussés et encerclés. Ils seront relâchés après le passage du convoi.
On apprend qu’une unité spéciale se dirige vers les deux activistes suspendus sous le pont. Puis soudain, le responsable du groupe d’intervention de police donne l’ordre de laisser passer le train sous les militants suspendus. Au mégaphone, un policier tente de les forcer à interrompre l’action en les menaçant d’un éventuel danger de mort. Ils ont bien préparée leur opération, ils ont pris toutes les dispositions nécessaires pour éviter d’être victime d’une décharge électrique – il n’empêche que le discours de la police est dans une telle de situation de stress fort perturbant. Les grimpeurs gardent leur calme, la panique ne ferait que provoquer une situation dangereuse – tous les alpinistes connaissent le syndrome du harnais. Le policier qui diffuse ses mensonges au mégaphone n’en a en revanche aucune idée… Pas plus qu’il ne sait si les activistes suspendus sont en mesure de remonter. En réalité, les ancrages, très complexes, empêchent toute retraite rapide. La pression monte de part et d’autre. Le convoi approche. Le policier continue à vociférer dans son porte-voix. Les deux activistes exigent d’être mis en contact avec des secouristes. Ils ne veulent pas être soumis aux radiations et cherchent des médiateurs pour expliquer à la police à quels dangers ils sont exposés. Ils sont surpris par la procédure policière : lors des précédents convois de déchets nucléaires, les responsables de l’intervention étaient plus circonspects. Jamais le train n’est passé sous les activistes. Aujourd’hui, on a l’air de ne faire aucun cas de leur intégrité physique. Les radiations, on ne les voit pas, on ne les sent
pas. La seule chose qui importe, c’est que le train passe, vite, et qu’importe la résistance de la population. Le convoi a encore quelques centaines de kilomètres à parcourir, et la voie est bloquée par des milliers de personnes…
Vers 5h30, le train arrive. Comme il est très chargé, il roule lentement. L’un des militants encordés se prend un jet de suie émis par la locomotive diesel. La distance entre eux et les conteneurs radioactifs n’est plus que de trois à quatre mètres. Le train se compose de six voitures passagers et de onze conteneurs de type Castor. Par les fenêtres, des policiers font le bras d’honneur. Le convoi reste encore visible une trentaine de minutes, les agents remontent les uns après les autres dans les wagons. La police ordonne aux activistes de descendre pour être mis en garde à vue.
Mais qui donc a envie d’aller en prison ? Il est bien plus amusant d’évoluer dans les airs.
Peu après, l’unité spéciale de la police arrive dans une automotrice équipée de deux plateformes élévatrices. Les deux activistes sont décrochés et arrêtés vers 6h45. Ils seront libérés à la mi-journée.
Le blocage aérien a été l’un des maillons d’une longue chaîne de protestation contre l’énergie nucléaire. Ce fut un automne chaud, inventif, combatif ! Le groupe voulait montrer sa détermination à lutter contre la « démocrature » de l’atome. Il y est parvenu. Sortir du nucléaire, c’est aussi un travail de cordiste…
Cécile Lecomte, alias l’Écureuille
Presseschau zur damaligen Aktion:
FR ; HNA ; RBS-TV ; Nh24 ; DAPD ; Tagesschau ; TAZ ;
Das schreibt die Polizei...