J’ai par le passé déjà sévèrement critiqué ce que la classe politique allemande appelle „Atomausstieg“ ; sortie du nucléaire. (article sur ce blog)
Les nouvelles de ces derniers mois et surtout de ce jour ne font que renforcer mon point de vue et me donner raison… malheureusement. La sortie du nucléaire à l’allemande à été conçue à des fins populistes, telle une pilule qui calme les velléités d’une population majoritairement antinucléaire – surtout après la catastrophe de Fukushima qui ne fait encore que commencer. Sur le papier on sort du nucléaire d’ici l’an 2022. La réalité ressemble à autre chose. Les manœuvres de la classe politique et du lobby nucléaire mettent l’augmentation du prix de l’électricité sur le dos du virage énergétique alors, que celui-ci est aussi en grande partie dû à la construction de centre de production centralisés tels centrales à charbon et à de nouvelles lignes THT (autoroute européenne de l’électricité) et qu’en fin de compte il s’agit de choix politiques qui ont tous un certain cout. La loi de sortie du nucléaire de 2011 ne répondait lors de sa signature qu’à la volonté de calmer l’opinion publique et non à une véritable volonté de sortie – le résultat est une loi mal ficelée et révocable qui offre de nombreuses possibilités de plaintes aux géants de l’électricité. Les entreprises réclament des dommages et intérêts en centaines de millions d’euros voir milliards pour l’arrêt de leurs centrales.
Une haute cour de justice, le Hessische Verwaltungsgerichtshof, a aujourd’hui rendu sa décision sur une plainte de la firme du nucléaire (et du charbon) RWE.
La plainte portait contre le moratoire de trois mois proclamé en toute hâte par le gouvernement en réponse aux manifestations de centaines de milliers des personnes après l’accident majeur de Fukushima. Les 7 plus vielles centrales nucléaires du pays avaient été arrêtées du jour au lendemain. La cour de justice a jugé le moratoire illégal, car les représentants de l’entreprise n’ont pas été entendus avant sa proclamation. Forte de cette décision, l’entreprise réclame maintenant 187 millions d’euros pour le manque à gagner pendant les trois mois de moratoire de 2011 au Land de Hesse. Somme que le contribuable risque de devoir payer. La plainte de RWE n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les 4 grandes entreprise qui se partagent le gros du marché de l’électricité allemand – RWE , EON, Vattenfall et ENBW -, ont porté plainte contre la loi votée après les trois mois de moratoire, qui fixe pour chaque réacteur une date de mise à l’arrêt. La firme EON réclame par exemple 8 milliards d’euros. L’examen de ces plaintes par les tribunaux risque de prendre des années.
Lors du vote de cette dite loi, les antinucléaires décriaient déjà des formulations et un ficelage volontairement mauvais qui laissaient la porte ouverte à des plaintes de la part des entreprises du nucléaire et, dans la tête de certains politiciens, à une éventuelle relance du nucléaire – si le climat politique le permettait. La manipulation autour des soi-disant couts de la sortie du nucléaire contribuent à un certain revirement d’opinion au sein de la population. La menaces de milliards d’euros de dommages et intérêts à charge du contribuable n’arrange pas la donne. Il ne manque plus qu’un discours populiste déclarant la sortie du nucléaire comme trop cher pour relancer une discussion sur « la sortie de la sortie du nucléaires »
Les couts de ce qui est appelé sortie du nucléaire ou virage énergétique par la classe politique sont pourtant en grande partie liés à une politique énergétique centralisée : au lieu d’utiliser l’atout majeur des énergies renouvelables, la décentralisation, on construit de grosses centrales à charbon, on construit des gros sites éoliens dits « off shore » dans la mer. Cela implique la construction très onéreuse de nouvelles lignes très haute tension (THT). Cette politique de centralisation s’inscrit dans un processus de globalisation du marché de l’électricité : qu’il s’agisse de la construction d’un nouveau réacteur EPR en Normandie (Flamanville) et de la ligne THT qui va avec, qu’il s’agisse du projet d’oasis solaire « Desertec » dans le désert d’Afrique, d’une nouvelle centrale nucléaire en Finlande (Olkiloutou). On parle d’autoroute de l’électricité européenne. Les populations ne vont pas « profiter » de ces projets. La Normandie produit par exemple déjà plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Il s’agit avec ces projets avant tout de remplir les poches des entreprises qui se partagent le marché de l’électricité. Les profits sont privatisés , les dommages sont eux à charge de la communauté. Les installations nucléaires n’ont à la différence de toute autre industrie même pas d’assurance qui couvreraient les dégâts en cas d’accident. Aucune somme d’argent ne peux de toute façon ramener des milliers de victimes à la vie.
En réponse à cette politique les initiatives antinucléaires ont lancé diverses initiatives dans le but de recommunaliser les réseaux d’électricité; « Netze in Bürgerhand » ; « les réseaux dans les mains des citoyens ». L’initiatives « unser Hamburg, unser Netz« ; « notre ville de Hambourg, nos réseaux » a à Hambourg par exemple rassemblé suffisamment de signatures pour imposer la tenue d’un référendum à ce sujet lors des prochaines élections.
Et bien sur, la résistance sur le terrain ne doit pas être négligée. Les nouvelles lignes ne sont pour la plupart pas encore en construction, mais cela va venir.
Les centrales à charbon sont pour la plupart en construction. A Hambourg nous faisons pression contre la firme Vattenfall avec l’initiative Gegenstrom 13 et un blocage symbolique de l’Elbe an mai – qui doit donner des idées pour des blocages disons plus que symboliques de bateaux de charbon. Il y a trois ans nous avions occupé des arbres pendant trois mois contre cette même centrale et obtenu au moins une victoire d’étape, qui remet la profitabilité de la centrale en question. L’exploitation de mines des charbon à ciel ouvert continue dans la Ruhr (firme RWE) et dans l’est (Vattenfall) Dans la région de Münster les groupes sont actifs contre l’usine d’enrichissement de l’uranium qui elle, est ignorée par la loi de soi-disant sortie du nucléaire. L’usine à été – avec la bénédiction des Verts du gouvernement (Ministre Tritin) il y a dix ans – agrandie, elle a quadruplé sa capacité de production initiale et aucune date n’a été fixé pour son arrêt. L’usine Urenco située à Gronau a 10 % du marché mondiale (article en français sur une action contre cette usine) ! Non loin de là il y a l’usine de combustible nucléaire AREVA de Lingen. J’étais ces derniers jours dans la région pour une série d’actions qui visaient à informer la population. L’Allemagne arrose le monde entier avec des combustibles nucléaires (les premières livraisons de combustible à destination de la centrale EPR en construction en Finlande ont eu lieu ces derniers mois depuis Lingen via le port de Hambourg). Ce n’est pas ce que j’appelle une sortie du nucléaire !
À l’heure actuelle, il reste cependant difficile de mobiliser, le matraquage de la politique dominante porte malheureusement ses fruits ; son message : le virage énergétique c’est trop cher, les nouvelles lignes et les centrales à charbon on en a besoin pour éviter le black out, arrêtez de vous plaindre, on a voté une loi pour la sortie du nucléaire. On nous ressort ce sermon, lorsque nous faisons des actions dans différentes villes comme ces derniers jours à Potsdam, Dülmen, Emsdetten, Rheine et Hamm.
Le passage à une politique énergétique décentralisée et renouvelable a lui aussi un cout, mais il convient de remettre les pendules à l’heure et de rappeler qu’une politique centralisée avec entre autre des centrales à charbon, est discutable d’un point de vue écologique et démocratique. Elle a de plus elle aussi son prix. Et si l’on compte en plus le cout des dégâts collatéraux (Pollution et changement climatique, maladies)…
Il s’agit en matière de politique énergétique de choix de de volonté politique! Il reste donc beaucoup à faire pour une politique énergique renouvelable et décentralisée !