Ce dimanche 30 juin, j’ai participé au tour de Fessenheim organisé par des associations franco-allemades qui demandent la fermeture de la plus vielle centrale nucléaire de France, celle de Fessenheim – et bien sûr aussi la sortie du nucléaire. C’était très convivial et j’aime bien le mélange des langues!
J’étais invitée pour une prise de parole, dont je publie maintenant le texte, puis-ce que l’on me l’a demandé. Je suis contente que ma prise de parole ait été appréciée.
Prise de parole de Cécile Lecomte , le 30 juin 2013 à Colmar
Chères amiEs,
En tant que militante française vivant en Allemagne, je vous propose une petite comparaison de la politique nucléaire dans nos deux pays. Vous allez voir, il y a pas mal de ressemblances !
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Relance du nucléaire en France et vrai-fausse sortie du nucléaire en Allemagne
La force de frappe, la bombe nucléaire sont en France depuis des générations comme encrées dans les mœurs. Cela a favorisé le développement du nucléaire en France et le conflit autour de son utilisation aussi bien civile que militaire à été réglé par la répression militaire. Si tant est si bien qu’on peut parler de « résolution ». Car s’il y avait au commencement du programme nucléaire de nombreux arguments contre celui ci… il n’y en a pas moins aujourd’hui. Les dangers supposés de l’époque sont devenues réalité : Tree Mile Island, Tchernobyl, Fukushima … pour n’en citer que quelques uns.
Malgré leurs déboires, l’industrie et les politiciens du nucléaire restent incorrigibles.
Les vielles centrales sont destinées à tourner toujours plus longtemps. Les incidents sévères s’accumulent. Rien que pour ces dernières semaines, on peut compter deux incendies à Cattenom et au Bugey.
La centrale de Fessenheim, mise en service en 1977 est promise, malgré de sérieux problèmes de sécurité, à tourner jusqu’en 2023 – Si l’en va des souhaits d’EDF et de l’ASN.
Le gouvernement Hollande en reste à une promesse floue de fermeture au cours du quinquennat en cours (2016?) – sans y mettre de zèle, c’est le moins que l’on puisse dire : On commence par ignorer les associations ! Une demande d’arrêt d’exploitation de la centrale nucléaire de Fessenheim, déposée en 2011 par l’Association trinationale de protection nucléaire (ATPN) a été rejetée par le ministère de l’Ecologie et de l’Industrie. Elle est pour l’heure devant le conseil d’Etat. Rien n’est moins sur avec la fermeture de Fessenheim, malheureusement.
Les faits prouvent qu’il n’y a rien à attendre des politiciens au pouvoir, qu’ils soient de droite ou de gauche. Sous le gouvernement Hollande, la relance du nucléaire se poursuit avec la même violence policière qu’avant.
La Normandie produit plus de 300 % de ses propres besoins en électricité. Malgré cela, un réacteur dit « EPR » est en construction à Flamanville, un autre en projet à Penly.
La construction a plusieurs années de retard et l’on peut espérer que de retard deviennent une éternité.
Lors de mon séjour en Normandie l’été dernier, j’ai pu voir de mes propres yeux avec quelle violence l’État réprime ceux qui ne sont pas d’accord avec sa politique.
20 blessés en partie graves, c’est le bilan d’une manifestation contre la construction d’une nouvelle THT à 2 fois 400 000 Volts en juin 2012.
Une ligne qui fait partie d’une autoroute de l’électricité européenne où l’on veut importer et exporter l’électricité à volonté sans considérations de données telles que l’environnement ou bien les dangers liés aux modes de production (Charbon, nucléaire, néocolonialisme an Afrique…).
Et là, j’en viens à l’Allemagne. Le pays s’inscrit aussi dans cette autoroute européenne, dans ce centralisme, dans ce gigantisme.
On nous parle de sortie du nucléaire, mais rien n’est moins sûr. La loi de sortie n’a pas été discutée avec les associations qui luttent depuis des décennies contre cette énergie.
Elle est bancale et les grandes entreprises du secteur portent plainte contre celle-ci. Le manque à gagner dû à l’arrêt de quelques centrales risque d’être tiré du porte-monnaie du contribuable. Les dernières centrales sont sensées tourner jusqu’en 2022.
Mais il ne s’agit pas cependant d’une réelle sortie du nucléaire : L’usine de combustible AREVA à Lingen (Basse – Saxe) der l’usine d’enrichissement de l’uranium de Gronau (Westphalie du nord) ont une autorisation de fonctionnement illimitée. La firme Urenco, qui gère l’usine d’enrichissement, détient à elle seule 10 % du marché mondiale.
Et la répression contre les antinucléaires est toujours à l’ordre du jour. Le 20 août 2013, deux militantEs qui ont bloqué à Metelen près de Gronau un train d’uranium (UF6) à destination de la France l’été dernier en s’enchainant aux rails passent en procès à Steinfurt. Dans les prochains mois je vais pour ma part comparaitre devant le tribunal de Lingen pour un blocage escalade de l’entrée de l’usine de combustible AREVA en octobre 2012.
À cela s’ajoute la construction de nombreuses lignes THT ! On continue de miser sur la centralisation par la construction de centrales à charbon, d’offshore éolien et sur la fameuse autoroute européenne de l ‘électricité partant de la Normandie en passant par le désert africain (Projet Desertec), l’Allemagne et la Finlande ou un nouveau réacteur nucléaire est actuellement en construction.
Ni le lobby, ni la radioactivité ne font halte aux frontières ! As nous d’y répondre par une résistance elle aussi sans frontières !
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Les déchets nucléaires
En Allemagne beaucoup disent que les déchets nucléaires sont tels un avion sans piste d’atterrissage – Flugzeug ohne Landebahn -. Depuis des décennies nous produisons de très dangereux déchets nucléaires sans savoir quoi en faire.
Nos gouvernements semblent être d’accord sur une chose : Enfouir. Hors de nos vues, ça semble commode. Mais cela risque d’être un cadeau empoisonné pour les générations futures. Dans quelle langue voulons nous avertir les générations futures et leur transmettre le message mortifère ? Qui peut garantir une imperméabilité des couches géologiques sur des dizaines voir des centaines milliers d’années ? Personne !
C’est en tout cas ma conclusion suite à une visite du laboratoire de Bure il y a quelques années. Bure es le site prévu en France pour l’enfouissement des Déchets nucléaires et comme par hasard c’est pas loin de la frontière allemande : 150 kilomètres à vol d’oiseau, je dirais à vol de radioactivé !
Le géologue qui nous faisait la visite à bure savait qu’il s’adressait à des antinucléaires et s’efforçait de se montrer ouvert. En résumé, il a reconnu que non, ce n’est pas idéal, mais c’est quelque part la solution la moins pire. On ne peut pas garantir l’imperméabilité pour des dizaines milliers d’années.
Mais pour quelques milliers d’années, ça fait l´affaire, l’argile est solide à cette profondeur, selon ce géologue de l’ANDRA, l’agence chargée de la gestion des déchets nucléaires.
Il suffit de poser une question aux travailleurs qui creusent les galeries pour avoir des doutes : « C’est comme du beurre », disent-ils, il ne faut pas creuser trop vite et stabiliser rapidement pour ne pas que ça s’effondre…
Et puis l’ANDRA perd son reste de crédibilité dans les réunions d’informations grand public : à la question, pourquoi Bure, pourquoi l’argile, alors que la loi prévoyait des recherches dans d’autres formations ? La réponse ne peut être plus culottée : On nous affirme qu’on fait des recherches en partenariat avec d’autres pays. Par exemple avec l’Allemagne, dans la mine expérimentale de ASSE !
Ce que les visiteurs français ne savent pas : En Allemagne, la mine de ASSE fait parler d’elle depuis un moment et pas en positif ! Sous couvert de laboratoire de recherches, on y a entassé puis véritablement balancé il y a 40 -30 ans des milliers de futs de déchets nucléaires – tout en affirmant que la couche géologique resterait imperméable. Si elle ne l’était pas, il n’y aurait pas de sel, nous disait-on. Aujourd’hui la mine fuit de partout, les futs sont éventrés et d’ici quelques années les nappes phréatiques seront contaminées. A l’heure actuelle on veut récupérer les déchets mais on ne sait pas comment… il y a trop de radioactivité.
Du fait de cette expérience catastrophique, la population est fort opposée au site de Gorleben en Basse Saxe, non loin de là ou j’habite, pour l’enfouissement des déchets nucléaires. La zone a tout comme Bure en France été choisie pour des raisons politiques : Région conservatrice, sans industrie et peu peuplée. Mais on s’est trompé sur les réactions de la population autour de Gorleben ! Les trains de déchets à destination de Gorleben sont à chaque fois accompagnés par plus de 20 000 policiers qui leurs frayent un passage parmi les manifestantEs qui occupent les voies.
Les containers de déchets sont pour l’heure entreposés dans une halle que les paysans du coin appellent halle à patates, car celle-ci n’est pas plus solide que leurs granges. On cultive beaucoup de pommes de terre dans la région.
Du fait de cette résistance de la population, les politiciens essayent de faire croire qu’ils cherchent d’autres solutions. Mais il revient souvent l’argument comme quoi on a déjà investi des millions d’euros dans la mine de sel de Gorleben pour l’enfouissement…
Le discours des partis politique relève plutôt de l’effet d’annonce médiatique pour calmer les antinucléaires et la population autour de Gorleben que la franchise. Un compromis a été trouvé, je l’ai même lu dans les journaux français, la propagande fonctionne…
En fait les partis politiques se sont mis d’accord sur le fait qu’ils vont voter une loi qui dit qu’on recherche un site pour les déchets nucléaires… Ça ne nous mène pas très loin et à nouveau, il n’y a aucune réelle concertation des populations. Leurs avis sont aux plus consultatifs.
Un peu comme avec le débat public en France pour Bure. Le projet répond au petit nom marketing de CIGEO (Centre Industriel de stockage GÉOlogique). C’est un semblant de démocratie, un débat bidon. On veut donner aux gens l’illusion qu’on les écoute mais il s’agit en fait à côté des milliers d’euros pour les communes concernées d’une mesure de plus pour forcer l’adhésion des gens au projet.
A Bar-Le-Duc et Bure, les gens n’ont pas joué le jeu des autorités lors du débat bidon ! Ils ont affirmé haut et fort ce qu’ils pensent de ce semblant de démocratie et provoqué l’interruption des débats. C’était ce qu’il y avait de mieux à faire !
C’est en effet aussi mon expérience : des actions directes et décidées de désobéissances civile sont une arme politique efficace. Je suis persuadée que le succès d’un mouvement est dans sa diversité, sa créativité et son expansion au-delàs des frontières.
En allemand, on dit souvent! « Atomausstieg ist Handarbeit !! » La sortie du nucléaire, c’est du travail manuel, c’est à nous de la prendre en main et de faire pression sur le politique !
Pour plus d’informations (en français):
Ligne THT et EPR (Normandie)
La Hague (Tract auf format pdf avec l’essentiel der informations sur le site et sur la résistance)
Valognes stopp Castor (contre les trains de déchets nucléaires)
Un texte récent sur la sortie du nucléaire en Allemagne (texte dont je suis l’auteur..)
L’usine AREVA de production de combustible nucléaire à Lingen (Texte sur l’action pour laquelle nous seront bientôt en procès)
Compte rendus d’action contre l’usine d’enrichissement de Gronau et contre les transports d’uranium: récents blocages de train – Mai 2012 ; juillet 2012
Plus général: Page web de SDN (réseau sortir du nucléaire)
Camp antinucléaire dans la région de Münster où se trouvent l’usine d’enrichissement de l’uranium d’URENCO, l’usine de combustible AREVA, un site de stockage de déchets ( à Ahaus), etc. du 19. au 27 juillet (2013) – la page web est en allemand. Mais tout le monde es bienvenu!