Un commentaire de l’écureuille sur l’actualité en Allemagne
Les médias allemands ne cessent de parler de „Pegida“ l’acronyme signifie „Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident“.Le mouvement Pegida fait parler de lui depuis quelques mois avec ses « manifs du lundi » qui rassemblent plusieurs milliers de personnes dans la ville de Dresde dans l’est de l’Allemagne. L’ironie de l’histoire, c’est que « Pegida » se bat contre un fantôme. On peut guère parler « d’islamisation » de l’occident et d’une invasion d’étrangers à Dresde, il y a à peine 0,3 % d’étrangers dans la ville.
Même s’il y a eu ailleurs, des tentatives d’organiser des manifestations sur le même modèle, le mouvement n’a pas vraiment pris – alors qu’il y a bon nombre de villes en Allemagne où il y a beaucoup plus d’étrangers et de personnes de culture musulmane ! Dans ces villes les contre-manifestations rassemblent toujours plus de personnes.
J’ai récemment participé à « Tegida » à Hambourg, un acronyme inventé pour une manifestation anti-Pegida et qui signifie « Européens tolérants contre l’idiotisation/abrutissement de l’occident ».
J’ai bien aimé le slogan qui s’est révélé quelques jours plus tard très juste et visionnaire. Quand je pense que les manifestantEs de Pegida sont alléEs jusqu’à récupérer l’attentat de Paris contre Charlie Hebdo »… Ils ont manifesté avec des drapeaux où étaient inscrits les noms des journalistes de Charlie hebdo morts dans l’attentat. Ces idiots qui juste avant ne parlaient que de la « Lügenpresse » (presse de mensonge) sont soudain pour la liberté de la presse. S’ils avaient entendu parler de Charlie Hebdo avant l’attentat… ils auraient été les premiers à demander la censure de ce journal qui ne respecte pas leurs valeurs (chrétiennes).
A Hambourg il n’y a pas encore eu de manifestation Pegida, le terrain politique ne leur est pas très favorable, il y a ici depuis des décennies déjà un gros mouvement solidarité avec les réfugiés. Le 31 janvier prochain aura lieu la prochaine manif « Lampedusa » , ces manifestations rassemblent régulièrement plus de 10 000 personnes.
Les pourfendeurs de « Pegida » prétendent venir « du milieu de la société ». Pegida rassemble cependant bon nombre de personnes que l’on peut qualifier de réactionnaires, xénophobes (jusqu’à la mouvance néonazie), racistes et homophobes.
Sur certaines manifestations on constate la présence de plusieurs centaines de néonazis et Houligans. Le fondateur de Pegida, Lutz Bachmann, a été obligé de démissionner mercredi, suite à la révélation de ses déclarations racistes sur les réseaux sociaux et à la découverte d’images, qui montrent son admiration pour Hiltler et le Ku-Klux-Klan. De nombreuses personnes qui suivent Pegida se disent proches de l’AfD, de « l’alliance pour l’Allemagne », un parti d’extrême droite populiste.
Et c’est justement de méthodes populistes dont se servent les dirigeants de Pegida (eux-même pas très nets), pour donner à Pegida une image présentable. Et ça fonctionne à merveille. On parle de ce phénomène somme toute assez local dans toute l’Allemagne, dans tous les journaux. L’AfD est ravie que l’on parle de ses sujets de prédilection tels le soit disant « abus d’asile » partout. La chancelière Angela Merkel nous dis certes qu’il ne faut pas aller manifester avec les populistes, mais elle ne le dit pas vraiment par conviction , plutôt par peur que l’extrême droite ne ravisse des voies aux grands partis établis lors des prochaines élections. Le fait est que ces derniers jours, les politiciens et politiciennes de tous bords se sont mis à flirter avec Pegida. Ils nous disent qu’il faut prendre le mouvement de ces citoyens en colère et leurs craintes au sérieux. C’est ainsi que des idées, réactionnaires, racistes et xénophobes deviennent présentables. Les politiciens et politiciennes prêtent en revanche beaucoup moins attention aux réfugiés, les principales victimes de Pegida. De nombreux réfugiés n’osent plus sortir le lundi soir quand Pegida manifeste dans la ville. Les attaques se sont multipliées ces dernières semaines.
Les responsables politiques prennent les craintes fantômes de « Pegida » au sérieux mais pas les craintes réelles des réfugiés. La police protège le chef de Pegida qui a dû démissionner suite à la révélation de ses propos racistes sur les réseaux sociaux, parce qu’il dit avoir reçu des menaces de la part d’islamistes. Les réfugiés qui sont menacés par une autre forme d’extrémisme (pas mieux…), la polulace de Pegida, ne peuvent pas compter sur la police de Dresde pour les protéger. Après une manifestation de Pegida, en décembre 2014, des houligans ont attaqué un groupe de jeunes immigrés dans une galerie commerciale. Une jeune fille à été blessée, la police a refusé de prendre sa déposition (article en allemand dans le journal TAZ).
La police de Dresde est surtout connue pour réprimer les antifascistes. Les neonazis commémorent chaque année en février le bombardement de la ville de Dresde à la fin de la seconde guerre mondiale. La police et la justice se font systématiquement remarquer par leur motivation à poursuivre les manifestantEs antifascistes qui vont dans la rue contre les néonazis. En 2011 on a eu le « Handygate », la police a rassemblé plus de 1 Million de données sur les échanges téléphoniques de plus de 330 000 personnes pour ses enquêtes contre les manifestantEs antifascistes qui avaient perturbé la manifestation des néonazis par des actions de blocages de rues et carrefours. C’est selon le procureur une infraction à la loi sur les manifestations. Plusieurs personnes ont été poursuivies pour trouble de l’ordre public et condamnées à de lourdes peines de prison en première instance (transformées pour certaines en grosses amendes en seconde instance). Pour ces condamnations il suffisait d’avoir eu un mégaphone à la main et d’avoir dit un truc du genre « en avant ! ». Le cas de Tim H. est un exemple (a lire en allemand dans le journal TAZ ) ou bien celui du prêtre ouvrier Lother König (article en allemand dans le « Spiegel »). J’ai récemment fait connaissance de Lothar König à Jena , j’étais invitée dans le centre de jeunes qu’il gère pour présenter mon livre qui parle de l’activisme politique. L’église, ce n’est pas mon truc, ça c’est sûr, je suis athée et je le défends, mais Lothar König c’est quelqu’un d’intéressant et de fascinant. Le centre ressemble plutôt à un centre anarchiste autogéré, des croix, j’en n’ai pas vu, j’ai vu surtout des soleils antinucléaires au poing rageur du Wendland et des étoiles rouges et noires.