Désobéissance civile de masse contre le charbon en Allemagne
Par eichhörnchen le mardi 7 juin 2016, 12:35 - Aktionen - actions - Lien permanent
L'initiative
„Ende Gelände“ avait appelé à des
actions de désobéissance civile contre les mines de charbon à ciel ouvert dans
l'est de l'Allemagne, Région de la Lausitz près de Cottbus. Les actions
s'inscrivaient dans le cadre des initiatives internationales « break free ». Après les actions contre
les mines de Charbon de l'entreprise RWE dans le bassin Rhénan l'an passé, les
actions visaient l'entreprise Suédoise Vattenfall qui a l'intention de vendre
ses mines de Charbon déficitaire pour ainsi se défaire de sa responsabilité
pour les dégâts environnementaux causés pas l'exploitation des mines.
L'entreprise tchèque candidate au rachat des mines est peu fiable. Il s'agit
avant tout de l'opération financière douteuse d'un entrepreneur connu pour les
magouilles financières. J'ai participé à une action de l'association d'action
pour l'environnement Robin Wood en soutien à l'initiative « Ende
Gelände » et prends maintenant le temps d'un petit compte rendu en
français. Nous sommes descenduEs en rappel d'un pont de voie ferrée et avons
ainsi pendant 30 heures bloqué 3 voies ferrées menant à la centrale à charbon
de Vattenfall.
Je me suis rendue sur le camp de Ende Gelände après une action réussie à Stockholm fin avril (communiqué de Robin Wood en anglais) lors de l'assemblée générale de Vattenfall en réaction à l'annonce de la vente des mines de charbon allemandes et pour attirer l'attention sur les actions de l'initiative Ende Gelände quelques semaines plus tard (voir aussi une action contre Vattenfall l'été dernier à Hambourg). Le but des actions de masse dans la Lausitz était de faire pression sur le gouvernement suédois (dont l'accord est nécessaire pour sceller la vente des mines), Vattenfall et les repreneurs potentiels des mines. La pression était d'ordre politique et pratique. Le message était clair : les mines et centrale à charbon doivent être fermées pour toujours, pas vendues. La résistance continuera jusqu'à ce que les installations soient fermées pour toujours.
image: Action à Stockholm le 27 avril 2016
Le concept des actions de masse visait cette année l'ensemble de l'infrastructure de l'industrie du charbon. Ce concept décentralisé a permis une multitude d'actions dans les mines et sur les voies d'accès aux centrales à charbon. Actions de masse et actions de petits groupes se sont très bien complétées. Plus de 3000 personnes ont participé à Ende Gelände. Les actions ont permis de raviver le débat sur la vente des mines au parlement suédois et de donner à la lutte pour le climat la dimension internationale qu'elle mérite. Des actions ont eu lieu dans le monde entier. Les actions ont aussi mis un peu de lumière sur une politique énergétique tournée vers le passé et dictée par les magouilles politiciennes dans l'est de l'Allemagne.
deux images de l'action escalade lors de Ende Gelände 2016: source "Robin Wood"
deux autres images: source "Pay Numrich"
Le
concept d'actions décentralisées m'a beaucoup plu, j'ai ainsi pu participer à
une action. Cela n'avait pour moi pas été possible l'an dernier, car les
actions de masse se dirigeaient contre les mines de charbon de RWE et il
fallait beaucoup marcher et forcer des barrages de police pour atteindre la
mine. Avec ma polyarthrite rhumatoïde (PR) je ne suis pas en mesure de faire
plus de 1 kilomètre à pied… La résistance vit de sa diversité, connaissant très
bien le droit allemand et défendant régulièrement des activistes devant les
tribunaux, je m'étais associé à l'équipe d'aide juridique et avait là de quoi
faire, le travail des équipes d'aide juridique est un soutien aux actions de
désobéissance civile ! Cette année j'avais envie dans la mesure du
possible de participer à une action de désobéissance civile. Et le concept
décentralisé s'y prêtait bien. Un petit groupe de grimpeurs et grimpeuses s'est
retrouvé spontanément sur le camp et à décidé en concertation avec les autres
groupes de bloquer un pont ou 3 voies ferrées menant à la centrale de «
Schwarze Pumpe » de croisent. L'association d'action pour l'environnement Robin
Wood a soutenu l'action et mis du matériel d'escalade à disposition. Il nous
manquait, vu le caractère spontané de l'action, un peu matériel et la nuit a
été très froide (pas plus de 5 degrés…). Mais on a tenu quand même 30 heures.
J'étais fortement enrhumée, si bien que j'ai demandé des bonbons pour la gorge
a à peu près toutes les personnes de passage pour nous soutenir ! Nous
recevions régulière ment des informations des autres blocages : des centaines
de personnes occupaient les rails à d'autres endroits, il y a aussi eu une
pyramide en béton qui bloquait les rails avec des activistes fixéEs dessus ( et
a été enlevée par la police après des heures d'intervention), des personnes se
sont enchaînées à les tubes posés sous les rails, etc. Un groupe a envahi la
centrale, la police a réagi par des centaines d'arrestations. Nous avons pu
voir l’efficacité de la résistance collective, lorsque nous avons vu une des
tours de refroidissement de la centrale de charbon de « Schwarze Pumpe ;»
s'éteindre en raison de la baisse de la production liée au blocage du
ravitaillement de la centrale en combustible. Cela était certes symbolique, car
l'arrêt n'était pas pour toujours, mais ce symbole montre que la sortie du
charbon est possible. Ce jour-là l'Allemagne a pour la première fois couvert
ses besoins en électricité avec 100 % d'énergies renouvelables.
2 images: source "Getty image"
Une équipe de la police spécialement formée à l'escalade est arrivée sur les
lieux de notre blocage au bout de 24h (!). Les policiers se sont équipés et on
fait appel à une grue. Mais ils ont interrompue leur action au bout de 90 min,
jugeant que nous descendre de nos perchoirs allait durer trop longtemps ;
les actions étaient annoncées pour la durée du week end. La construction dans
laquelle nous étions installéEs sous le pont à l'abri des intempéries était
assez compliquée et les policiers ne pouvaient pas y accéder avec leur grue,
les caténaires de la ligne de chemin de fer étant dans le passage. Le courant
avait été coupé la veille et la ligne électrique mise à terre, si bien que nous
étions en sécurité – et difficile à atteindre. Les policiers sont repartis et
nous avons terminé notre blocage quelques heures plus tard en même temps que
les actions de masse. La police a fini par déloger celles et ceux qui n'étaient
pas partis à ce moment, notamment les personnes enchaînées aux rails.
Des habitantEs de la région ont soutenu et participé aux actions. Mais dans une
région óu l'on vit de cette industrie polluante depuis des décénies, ou les
villages disparraissent les uns après les autres de la carte et mis a part ce
qui vivent de charbon, peu de gens restent, il ne fallait pas s'attendre à un
soutien important – au contraire. Quelque soit leur couleur politique, les
politiciens sont pour le charbon, même les Verts qui parlent de sortie dans 30
ans pour faire la pêche aux électeurs en donnant l'impression d'être écolos
sans l'être dans les faits. Les manifestants étaient les méchants qui veulent
faire disparaître les emplois. Les gens s'accrochent à une politique
énergétique du passé sans vouloir penser l'alternative. Le changement
climatique et les nombreuses victimes qui en découlent ne les intéressent pas.
Ils n'intéressent que pour leur propre situation. C'était donc une bonne idée
de faire les actions dans la Lausitz et de les confronter avec les problèmes
globaux. Et il faut bien le dire : la région et brune, pas seulement à
cause du charbon, mais d'un point de vue politique. L’extrême droite y est très
présente et tous les partis s'en accommodent et coopèrent, même s'ils
prétendent le contraire. Une manifestation « spontanée » a eu lieu
contre les activistes de Ende Gelände. Des travailleurs, des politiciens
et des néonazis y ont participé. Il y a de quoi douter de la spontanéité… des
travailleurs ont été emmenés dans des bus de Vattenfall sur les lieux de la
manifestation. Nous les avons vus passer à proximité de notre blocage. Après
cette manifestation « spontanée », plusieurs manifestantEs de Ende
Gelände ont été agressés sur les blocages ou des manifestations déclarées. La
petite manifestation de Ende Gelände déclarée à la gare a été attaquée, les
manifestantEs ont été obligéEs de prendre la fuite, le matériel a été démoli.
Pas mal de blocages ont été attaqués à coups de gros pétards. Ce sont des
pétards très dangereux, si on les prend dans la main au moment de l'explosion,
ils peuvent arracher celle-ci. Ces objets ont été lancés dans la foule. Notre
blocage n'y a pas échappé. Nous étions particulièrement exposés, le lieu de
l'action était à proximité d'une zone que l'on peut appeler zone nazifiée, no
go pour les étrangers. Nous sommes passés une fois à travers cette zone et
n'avions ensuite pas envie d'y repasser. C'est un mélange de conservateurs,
nazis pas futés et pas organisés et de nazis organisés pour se battre et en
découdre avec tout ce qui n'est pas allemand de souche. L'espace est publique,
mais mieux vaut ne pas s'aventurer dans ces rues si l'on a la peau sombre. Les
nazis l'ont comme privatisé, en témoignes les inscriptions et panneaux
installés – et les tatous sur la peux des personnes que nous avons aperçues.
Ils organisent régulièrement des concerts sauvages interdits de musique nazie
et d’extrême droite. Les autorités n'interviennent pas. Et ce n'est pas la
peine de se demander pourquoi. Ce n'est pas nouveau, ce n'est pas un secret,
les autorités sont elles-mêmes noyautées par l’extrême droite – surtout dans
l'est de l'Allemagne. Un exemple criant d'actualité est leur implication louche
dans les meurtres du NSU, une organisation terroriste d’extrême droite. Des
dossiers ont été « par erreur » anéantis, un responsable des services
secrets était présent sur les lieux d'un crime et ne veux rien avoir vu, des
objets de preuve ont disparu au sein du bâtiment des services secrets… Des
témoins qui avait annoncé vouloir parler sont morts dans des circonstances
mystérieuses juste avant leur audition…
Pour en revenir à Ende Gelände : une interview dans le journal TAZ a
bien confirmé mon sentiment quant au comportement de la classe politique vis à
vis de l'extreme droite dans la région. Un député du partis social-démocrate
SPD a prétendus dans une interview ne pas avoir vu de nazis. On ne voit qu ce
que l'on veut voir. Le député en question a participé à la manifestation
« spontanée » contre Ende Geände (les méchants qui veulent anéantir
leurs emplois). A cette manifestation ont participé de nombreuses personnes
connues comme étant d'extrême droite. Et puis certaines de ces personnes
avaient encore le drapeau du syndicat des travailleurs des mines de charbon
dans les mains, lorsqu'ils ont attaqué les gens avec leurs pétards en criant
des paroles xénophobes… Le syndicat a finalment été obligé de se distancer de
ces actions violentes. Monsieur le politicien soi-disant de gauche, lui n'a
rien vu. S'il n'a rien vu, pas besoin de se distancer et tout va bien on
continue à travailler main dans la main à pourrir la planète !
Il va falloir encore bien des actions telles celles de Ende Gelände pour
changer le monde ! Pourtant, les alternatives existent : Renouvelable
décentralisé, économies d'énergie, économie de partage (et pas capitaliste),
etc. Mais pour cela, il faut arrêter de faire l'autruche et sortir la tête du
charbon. Ça demande des efforts, ça demande réfléchir… Plus complexe que la
pêche aux voix d'une élection à l'autre !
Ende Gelände a annoncé pour 2017 des actions de masse dans la Ruhr, le fief de
l'autre géant du charbon, RWE. Un camp climat et une degrowth summer
school (rencontre sur le thème de la décroissance) de moindre importance
que dans la Lausitz cette année, aura par ailleurs lieu cet été en août das la
région.